Arnaud Robert a relevé le défi des 175 km de l’Ultra Marin autour du Golfe du Morbihan
Découvrez le magnifique témoignage de ce Douarneniste, véritable gagnant de ce Grand Raid de 175 km parcouru le 29 juin 2025 au départ de Vannes.
La dépression chronique au défi de l’ultra trail
« Ce dimanche 29 juin, à Vannes, sous l’arche d’arrivée du 20e Ultra Marin, j’achève bien plus que 39 heures de marche, dans la démesure de l’effort, les complaintes du corps, quand le mental dévisse, mais que l’on continue, parce que l’on veut connaître la suite. Parce que l’on ne détruit pas, pour de malheureuses ampoules et un estomac au bord des lèvres, deux années de préparation en solitaire, méthodique, sur le GR 34, lui seul, entre le phare du Millier et Morgat, avec Douarnenez pour base de vie.
Deux ans, parti de rien ou presque, au moment même où Érik, mon éducateur SAVS (Service d’Accompagnement à la Vie Sociale), a commencé à me suivre.
Il a vu mon projet professionnel détruit (littéralement), mon entorse à la cheville et ma fracture du coude ; il m’a écouté, quand je parlais de reconstruire un petit atelier de construction navale ; il m’a écouté, encore, quand je parlais de me reconstruire pour participer à l’Ultra Marin, les 175 km, la course phare. Il comprenait la taille du défi pour moi, le simple marcheur, interdit de course à pied par un dos victime de mes excès de jeunesse à moto. Il savait aussi, que, certains petits matins, il devrait me téléphoner pour extirper du lit le dépressif chronique et phobique obsessionnel que je suis, paralysé par l’enjeu.
Aujourd’hui, le petit atelier naval commence à prendre vie, mais c’est une autre histoire.
Et désormais, le cap de l’Ultra Marin a été vaincu.
Pourtant, avant de prendre le train pour Vannes, j’ai cru déjà flancher. Je me sentais incapable de terminer la préparation logistique, l’alimentation, l’hydratation, le matériel obligatoire ; je craignais rater les rendez-vous fixés par l’organisation ; je redoutais, moi, le solitaire, d’être étouffé par la foule des 1800 coureurs ; j’angoissais car je m’imaginais, en chemin, perdre mes repères, paniquer, céder à la sidération.
Rien de tout cela n’est arrivé. Et si j’ai multiplié les erreurs de débutant, je les ai assumées sans broncher. J’ai accepté leurs conséquences, comme cette lente dégradation du corps. J’ai aussi puisé du réconfort dans la solidarité entre les concurrents, tout comme dans la ferveur du public qui ravitaillait notre énergie mentale. Mais je ne le cache pas : longtemps, la deuxième nuit, j’ai cru l’abandon inéluctable, mais sans lui céder un pouce de terrain, au point qu’il a fini par renoncer en premier.
Loin d’être un aboutissement, ma participation à l’Ultra Marin est en réalité l’acte fondateur d’un projet plus ambitieux : promouvoir, en plus des traitements médicaux et des suivis thérapeutiques, les bienfaits de l’ultra endurance sur la santé mentale, en montant un programme de participation, sur plusieurs années, à de grandes courses de plus de 160 km, avec, à terme, la qualification pour l’épreuve reine : l’UTMB (Ultra-Trail du Mont-Blanc).
Un discours par l’exemple, misant sur un phénomène d’identification auprès des malades, encore inhibés par leur souffrance : rien ne leur est interdit, le renoncement est bien plus souvent le résultat d’une crainte pathologique de l’échec que d’une incapacité supposée, même si la concrétisation d’un projet demande un temps plus lent, donc plus long, que chez des personnes moins fragiles.
Un discours visant aussi le grand public : certains considèrent la dépression comme une maladie imaginaire, un paravent pour paresseux égocentriques, alors que bien des vies sont gâchées, sacrifiées et moquées pour cette détresse invisible.
Il va me falloir réunir des partenaires institutionnels et privés partageant mon point de vue, pour concrétiser un tel projet. Rien n’est acquis, ni perdu : malgré mes faiblesses, je dois continuer à avancer en bonne compagnie, comme au long de ces deux jours hors du temps autour du Golfe ».
Arnaud Robert, accompagné par le SAVS Émeraude.
